Lorsque le père travaille avec son fils ou même avec ses fils dans une entreprise, cela se transforme souvent en un drame plutôt qu’en une histoire familiale réussie. Dans le cas de Gérard Bermann et de ses fils Cédric et Sébastien, la chimie semble parfaite. Le père apporte son expérience décennale en gestion d’entreprise. L’ingénieur diplômé Cédric a déjà développé ses premiers circuits pendant ses études il y a bien dix ans. Son frère Sébastien s’est consacré à l’optimisation du son dans les véhicules et a ainsi beaucoup appris sur la gestion de projets et des coûts. Ensemble, ils forment l’équipe de B.audio, l’atelier High-End situé à Mutzig, en France, qui a désormais trouvé une base de distribution fiable pour l’Allemagne et l’Autriche grâce à Romeo Barisic.
Les trois membres de B.audio sont convaincus qu’un convertisseur D/A exceptionnel commence par empêcher le jitter des sources d’entrer dans le chemin du signal du DAC. Pour cela, ils ont développé un circuit breveté appelé Source Jitter Removal (SRJ). Ce circuit doit maintenir chaque jitter d’entrée – que ce soit via S/PDIF, Toslink, AES/EBU ou USB – à l’écart. Dans le DAC lui-même, un horloge est générée pour la conversion numérique/analogique, complètement indépendante de celle du signal source. Les détails de ce fonctionnement restent cependant secrets. Les parties essentielles du convertisseur sont réalisées dans une section optiquement blindée du circuit. Même sur la question du type de puce de conversion utilisée, Cédric Bermann reste discret. Il a cependant une bonne raison : les auditeurs tendent souvent à se focaliser trop sur la provenance de cette puce, alors que « ce n’est absolument pas le cœur du problème », souligne le responsable technique de B.audio. « Bien sûr, la puce de conversion doit être de la plus haute qualité. Mais au final, peu importe le nom de la marque. Ce qui est bien plus important, c’est la périphérie que l’on construit autour du convertisseur. »
Cette périphérie maison chez B.audio comprend, en plus du jitter-remover, un filtre de phase réalisé avec un DSP. De plus, les Français attachent une grande importance à la meilleure alimentation possible. Cela commence par deux transformateurs séparés pour la section analogique et numérique et se poursuit par une stabilisation électronique dédiée pour l’alimentation des puces DSP, de l’horloge, du DAC et de l’étage analogique. Dans la sortie analogique, des amplificateurs opérationnels sont utilisés, soigneusement sélectionnés tout comme la puce de conversion. Encore une fois, la philosophie d’entreprise de B.audio est : il ne s’agit pas de savoir si l’étage de sortie analogique est discret ou basé sur un OpAmp, mais de ce que l’on fait autour. Dans cette périphérie, il n’y a aucune économie sur le savoir-faire technique ou sur les matériaux. Cela a été prouvé lors de ce test par deux appareils de référence de la gamme B.audio : le B.dpr et le B.amp. Le B.dpr est un convertisseur numérique/analogique avec préamplificateur intégré au prix total de 14 500 euros. En comparaison, le B.dac sans préamplificateur coûte 11 900 euros. Le supplément pour passer du DAC pur au B.dpr avec préamplificateur est donc de 2 600 euros. Ce supplément relativement faible pour l’intégralité de l’étage analogique fait du B.dpr une option particulièrement intéressante. En effet, la section préamplificateur est tout sauf un ajout bon marché. Cela se voit déjà à la régulation du volume, qui n’est pas laissée à un potentiomètre conventionnel. Au contraire, sept relais par canal assurent un réglage précis du niveau via un réseau de résistances. Le niveau peut être réglé directement sur l’appareil de manière très douce grâce à un « plateau tournant » qui fonctionne sur un roulement à billes et qui est parfaitement ajusté au boîtier. Cela offre déjà une sensation tactile unique. Il en va de même pour la télécommande, qui n’est pas un modèle standard, mais qui a du poids dans la main. De plus, le doux clic des relais, qui se manifestent à chaque petit mouvement ou à chaque pression sur la télécommande, indique : vous avez affaire à un appareil où des processus importants comme le réglage du volume se déroulent de manière totalement analogique.
Toute cette technologie a été intégrée par les Français dans un design d’une noblesse exceptionnelle, qui, après une courte période d’accoutumance, ne laisse également aucune demande fonctionnelle inassouvie. Le B.dpr diffuse un esprit français, où que l’œil se porte ou où que les doigts se posent. Sur le panneau avant, à côté du régulateur de volume, il n’y a qu’un seul autre « plateau tournant » pour choisir les entrées. Toutes les informations nécessaires sont affichées sur l’écran, qui, avec ses lettres et chiffres bleus discrets, souligne l’apparence élégante des appareils de référence de B.audio. Heureusement, le B.dpr propose également une option d’extension avec trois entrées analogiques, deux avec des prises RCA et une avec des prises XLR. Cela fait du B.dpr un véritable centre de commutation, offrant un DAC avec toutes les entrées numériques nécessaires, un préamplificateur analogique et trois entrées analogiques. Et puisque le réglage du volume ne se fait pas comme avec de nombreux DAC/préamplificateurs de manière numérique, mais analogique, les signaux analogiques sont uniquement transmis de manière analogique. Cela fait du B.dpr une base de sortie idéale tant pour le contrôle direct de haut-parleurs actifs que pour toute amplificateur de puissance – de préférence le B.amp de la maison, pour lequel de bonnes raisons se sont révélées lors du test.
Pour la première audition, j’ai présenté au DAC avec préamplificateur intégré un CD de l’Orchestre Gewandhaus de Leipzig. J’ai eu la chance d’entendre cet orchestre cette année, tant dans sa propre salle de concert, le Gewandhaus à Leipzig, que dans le Grand Palais des Festivals à Salzbourg. Le double CD des symphonies de Bruckner Nos. 6 et 9 / Prélude de Parsifal & Idyll de Siegfried (DG 0289 483 6659 0, D 2019, 2-CD) a été enregistré en direct au Gewandhaus en décembre 2018. Dès la première écoute via le B.dpr, j’ai reconnu le son chaleureux des cordes de Leipzig, qui, tant au Gewandhaus qu’au Grand Palais des Festivals à Salzbourg, invitaient à se plonger dans la musique. Lorsque l’on peut observer le chef d’orchestre Andris Nelsons en direct, avec ses bras et ses mains amples et l’intensité de tout son corps, tirer les plus belles couleurs et arcs de son du orchestre, il est clair ce que doit accomplir une chaîne hi-fi : il s’agit de rien de moins que le sentiment de pouvoir également se plonger dans cette musique chez soi.
Le B.dpr de France semblait être taillé sur mesure pour la philosophie sonore de l’Orchestre Gewandhaus. Dès le « Idyll de Siegfried », en plus des cordes sonores, les magnifiques couleurs des bois et ce son unique des cuivres, qui déborde de puissance tout en évitant toute dureté, se sont manifestés. Et déjà dans ce premier morceau, l’absence de toute nervosité ou agitation était frappante. D’un CD à l’autre, cette impression s’est renforcée que la musique peut se développer librement, sans bruits ou interférences. C’était de la musique pure ! J’ai ressenti lors de la reproduction via le DAC et la section préamplificateur de B.audio un léger rappel du tourne-disque Dereneville de Rainer Horstmann avec son bras tangentiel à commande laser. Sur cette merveille technologique analogique, la musique semblait toujours sonner comme s’il n’y avait aucune technique en jeu. Cette quasi-absence d’un mécanisme de lecture a été l’expérience marquante avec le Dereneville Modular MKIII et le bras tangentiel DTT03. Cela a également été confirmé par un lecteur du rapport de test de l’époque, qui est désormais un heureux propriétaire d’un tourne-disque Dereneville. Une impression similaire sans interférence – car sans jitter ? – a été laissée par le DAC/préamplificateur de B.audio.
Essentiel pour la philosophie sonore de B.audio est également un équilibre propre entre l’ensemble et les détails. À juste titre, le directeur de l’Orchestre Gewandhaus, Andreas Schulz, a souligné lors d’une discussion en arrière-plan à Salzbourg que le son plein de l’orchestre de Leipzig ne signifie en aucun cas un compromis sur les détails nécessaires. On pourrait dire la même chose pour B.audio. L’ensemble de la musique est au centre de l’attention, sans que les détails ne soient perdus. Cela m’a frappé plusieurs fois dans le finale du « Lac des cygnes » de Tchaïkovski sur la sélection des temps forts Swan Lake – Le Casse-Noisette – La Belle au bois dormant (London Records 443-555-2, USA 1994, CD). Un puissant roulement de timbales s’est élevé des profondeurs de l’orchestre, avec des frappes très différenciées sur la peau, qui ne se sont pas perdues dans la richesse sonore. Un autre exemple de cette excellente restitution des détails était le tambourin dans le « Danse Russe » de la suite Casse-Noisette. Dans cet enregistrement avec Charles Dutoit et l’Orchestre Symphonique de Montréal, on a également pu voir à quel point le DAC de B.audio réussit à gérer le passage entre des morceaux mélodiques et des rythmes dansants rapides. On se laisse aller à la musique, et en un clin d’œil, les rythmes dansants incitent à faire bouger les jambes. Il serait en effet erroné de parler d’un « son maison » de B.audio. Car cela pourrait susciter l’association selon laquelle les Français s’écarteraient du chemin vertueux de la restitution neutre au sens le meilleur. Ce n’est absolument pas le cas. Cependant, le test a montré que la pensée en chaîne des appareils de Mutzig n’est pas complètement à négliger. Après une écoute approfondie du B.dpr, l’amplificateur B.amp a finalement été intégré dans la chaîne. Il est apparu que les mérites sonores de B.audio se multiplient avec chaque appareil supplémentaire de la maison. Ce que le DAC et le préamplificateur avaient déjà laissé entendre a atteint un point culminant final grâce à l’amplificateur. Devant les yeux de l’auditeur, une image sonore pleine de couleurs fantastiques s’est construite. On pourrait en général décrire le caractère sonore de la combinaison française de DAC/préamplificateur et d’amplificateur comme s’il s’agissait d’une image imaginaire, qui gagne une éclat particulier grâce aux appareils de B.audio. « À chaque voix et à chaque instrument, un adverbe, un épithète décoratif, qui décrit la couleur sonore respective, vient immédiatement à l’esprit », note-t-on dans les observations. Ce qui est étonnant, c’est qu’on n’a même pas besoin de faire appel au terme usé de transparence chez B.audio. Au contraire, c’est simplement un peu « plus présent ». Plus de densité et plus de présence : ici une petite lueur dans la voix, là un frappe plus riche du batteur sur la peau d’un tambour, là une voix supérieure qui ne se met pas en avant, mais qui est présente de manière naturelle. Le B.amp a surtout contribué à une profondeur de l’orchestre. Les différentes sections d’instruments semblaient être un peu plus espacées en profondeur, permettant à chacune de se déployer dans un espace plus aéré. Pour cela, il a été nécessaire de faire appel une fois de plus à un enregistrement mono de Denon. Cette fois, le CD Symphony No.6 « Pathétique » (Denon CO-78924, Japon 1994, CD) de Tchaïkovski avec Eliahu Inbal à la tête de l’Orchestre Radio-Sinfonie de Francfort. Dans ce cas, la musique s’est élevée dans l’« Adagio » tout doucement depuis très loin dans la pièce, jusqu’à ce que les cordes et les bois se mettent en place. Lors du roulement de timbales, l’orchestre a agi comme un corps sonore plastiquement stratifié. « On devrait ici probablement parler d’un éclairage presque holistique de l’espace », note-t-on dans les observations. Cela s’est poursuivi avec légèreté dans le rythme inhabituel en 5/4 du deuxième mouvement « avec un sourire sous des larmes », comme Tchaïkovski lui-même l’a dit. Un exemple impressionnant de ce que l’on appellerait généralement transparence a également été le CD gustav mahler/uri caine : urlicht/primal light (Winter & Winter, 910 004-2, D 1997, CD). Cette adaptation hautement passionnante de Mahler par le pianiste et compositeur Uri Caine se distingue par ses couleurs sonores et son impulsivité. Dès le premier morceau « Symphonie No. 5, marche funèbre », elle pénètre dans la salle d’écoute avec énergie, « le tambour de l’enfant de « la magie des enfants » commence avec des frappes impulsives sur le piano et les percussions. Le B.dpr et l’amplificateur B.amp délivrent aussi bien le son métallique dur des cordes de piano que les nuances des différentes percussions. De manière solennelle, la lumière s’allume dans le morceau 6 « primal light », les sons du violon s’élèvent presque à l’infini.
Avec énergie et impulsivité, une caractéristique remarquable de l’amplificateur a été évoquée. Celui-ci dispose de plus de cylindrée que ne le laisserait supposer la puissance nominale de 120 watts à huit ohms. Même lors de passages musicaux denses, il n’y a aucune tension. Le B.amp les projette avec une légèreté française dans la salle d’écoute, comme si la dynamique brute était la caractéristique la plus naturelle d’un amplificateur de puissance. Techniquement, il repose sur une construction double mono, qui peut être bridée pour atteindre plus du double de la puissance de sortie. Au cours de ce test, il n’est jamais venu à l’esprit que cela pourrait être nécessaire, car il ne manquait pas de force et d’impact. Cependant, nous connaissons tous notre âme High-End – il est séduisant de penser qu’à un moment donné, lorsque le solde bancaire le permettra à nouveau, on pourrait bridger le B.amp et le transformer avec un second B.amp en un couple d’amplificateurs mono très puissants avec 300 watts nominaux par canal. Cette option stimule l’imagination de manière si débridée, car elle n’est en aucun cas une nécessité. Sans aucun doute, le DAC/préamplificateur est la cerise sur le gâteau des appareils de B.audio dans le sens où, malgré sa classe de prix élevée, il vaut chaque centime par rapport à la concurrence. Le trio à Mutzig a effectivement réussi à tirer de nouvelles facettes surprenantes de la conversion des signaux numériques en signaux analogiques. Le circuit SJR peut jouer un rôle considérable dans la sonorité et la naturalité. Il est tout aussi évident que le maître développeur Cédric Bermann maîtrise avant tout l’art de rassembler de nombreux détails de circuits en un accord harmonieux, de sorte que l’ensemble est plus que la somme de ses parties. Les nouveaux venus français ont placé la barre très haut avec leur DAC et leur préamplificateur intégré. Heureusement, ils répondent également à cette exigence avec leur amplificateur B.amp. Ce sont deux nouvelles pierres précieuses exceptionnellement brillantes dans le ciel High-End.
Tous les bonnes choses sont trois, dit-on. Tous les bons esprits également. Le concept sonore « analogique » hautement musical de Gérard, Cédric et Sébastien Bermann fonctionne à merveille.
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