Le fondateur de cette revue, M. Raymond Lai, pionnier de la critique audio à Hong Kong, fut le tout premier à rédiger des essais Hi-Fi en chinois. Il a un jour déclaré : « Les gens pensent que mes connaissances en Hi-Fi sont hors pair, mais en réalité, mes connaissances en musique classique les surpassent encore. » Il a aussi affirmé : « Plutôt que de devenir esclave du Hi-Fi, je préfère écouter de la musique sur un baladeur cassette portable ! » Voilà qui reflète bien sa philosophie : la priorité est toujours donnée au plaisir musical.
C’est pourquoi il n’a jamais manqué une occasion d’assister à des concerts, non seulement à Hong Kong mais dans le monde entier, afin d’apprécier les plus grands artistes et orchestres en live, tout en découvrant les caractéristiques sonores des plus grandes salles de concert internationales. Parmi celles-ci, il vouait une admiration particulière au Concertgebouw d’Amsterdam – considéré comme l’une des trois meilleures salles au monde, avec la Symphony Hall de Boston et le Musikverein de Vienne.
Dans ce contexte, il est particulièrement significatif que le système Grimm Audio LS1 ait été choisi comme référence d’écoute pour la radiodiffusion et l’enregistrement du Concertgebouw. Cela ne peut que confirmer le sérieux de cette réalisation.
Il y a vingt ans, les enceintes actives étaient encore un produit de niche pour audiophiles. Mais au cours de la dernière décennie, avec l’essor de la musique dématérialisée (fichiers haute résolution et streaming), les enceintes actives – d’abord petites et destinées à un usage desktop – ont commencé à se répandre, avant de faire leur entrée sur le marché audiophile.
Aujourd’hui, elles représentent une alternative crédible aux enceintes passives traditionnelles. Des marques comme Meridian, Linn, ATC ou PMC sont connues pour leurs initiatives dans ce domaine. Dans le monde professionnel, les enceintes actives sont depuis longtemps la norme. De plus en plus de fabricants pro s’intéressent désormais au marché domestique Hi-Fi.
Pour l’audiophile, l’essentiel est d’avoir le choix. Il existe autant de raisons de s’adonner au Hi-Fi qu’il y a d’audiophiles : pour le plaisir d’écouter, de manipuler les appareils, ou simplement pour savourer la musique. Ce qui compte, c’est de rester ouvert, de ne pas juger une enceinte sur sa catégorie, son apparence ou sa taille. Les meilleures découvertes viennent parfois de ce qu’on n’attend pas.
C’est le cas du sujet de cet article. Son pedigree est entièrement professionnel, académique même, hors des sentiers battus des audiophiles classiques. Son esthétique est atypique. Sa technologie va bien au-delà des standards habituels. Mais son rendu sonore ? Normal, cohérent, au point d’en être bouleversant.
Le 22 mai, j’ai passé plus de cinq heures chez Fong Lung Audio pour découvrir ce système. Je décrirais cette écoute comme une expérience à la fois normale… et merveilleuse.
Grimm Audio, fondée en 2004 aux Pays-Bas, est jeune, mais ses fondateurs – ingénieurs acousticiens, designers, développeurs – sont très expérimentés. Parmi eux, un spécialiste du son, formé en musique et technologie, et trois experts en numérique.
Leur premier produit était l’AD1, un convertisseur analogique-numérique professionnel qui transforme les signaux analogiques en données numériques au format DSD. Ce convertisseur repose sur des algorithmes maison – les concepteurs ont eux-mêmes écrit les programmes, au lieu d’utiliser des puces prêtes à l’emploi.
La célèbre maison de disques Channel Classics utilise exclusivement l’AD1 pour ses enregistrements SACD. Grimm a ensuite développé la célèbre horloge numérique CC1 (et son pendant plus abordable CC2), réputée pour son jitter ultra faible et son PLL de très haute précision. Jusqu’en 2017, cinq des plus grands studios de mastering au monde utilisaient cette horloge pour la gestion des flux numériques.
Dans le domaine pro, Grimm a développé : convertisseurs, horloges maîtresses, câbles, alimentations pour micros à tubes, enceintes de monitoring actives, et logiciels de contrôle. Côté Hi-Fi : enceintes actives, horloges, câbles et le UC1, un tout-en-un combinant DAC 6 canaux, préampli, convertisseur A/N et interface USB.
Le système LS1, bien qu’apparenté aux enceintes, est en réalité un système de lecture complet : une fois connecté à une source, il est prêt à fonctionner. Comme le disait Sir Tsang : « N’oubliez pas de brancher ! »
Il ne s’agit pas simplement d’une enceinte active. Le LS1 intègre un fonctionnement entièrement numérique et complet. On peut le relier directement par USB à un ordinateur ou lecteur réseau, et lire des fichiers jusqu’au 24-bit/384 (DXD), DSD64 et DSD128. On peut aussi y connecter un lecteur CD ou une platine vinyle avec préampli phono : le signal analogique est alors converti en numérique par le système, traité puis reproduit.
L’encombrement est extrêmement réduit : une paire de petites colonnes d’à peine 6 pouces d’épaisseur, 20 pouces de large, 45 pouces de haut (environ 1,15 m), au design élancé et élégant. À leur base, un large socle intègre un caisson de grave actif orienté vers le haut.
Que ce soit en version studio ou Hi-Fi domestique, la technologie est identique. Seule la hauteur des pieds varie, pour s’adapter aux consoles de mixage en studio. La preuve ultime ? Le Concertgebouw d’Amsterdam utilise le système comme référence d’écoute.
Le cœur du LS1 est un système DSP complet, qui effectue toutes les corrections en numérique : filtrage, égalisation, gestion de phase. La conversion vers l’analogique ne se fait qu’en toute fin de chaîne, juste avant l’amplification.
On entend souvent dire que les enceintes d’aujourd’hui n’ont guère évolué en 30 ans. Certes, les matériaux et les caisses ont progressé, mais les limites des filtres passifs analogiques demeurent : différences de composants, distorsions de phase, pertes…
Les enceintes actives analogiques, avec filtres électroniques, améliorent déjà la situation. Mais le vrai saut qualitatif vient du traitement numérique : dans le LS1, chaque haut-parleur dispose d’un ampli dédié et d’un DAC dédié. Pour une paire stéréo avec subwoofers, cela représente six DACs au total.
Grâce au DSP interne, les corrections de phase, de réponse en fréquence, de distorsions d’alignement ou de croisement entre voies, sont exécutées avec une précision que le monde analogique ne permet tout simplement pas.
La gamme LS1 comprend trois versions : LS1a, LS1 et LS1be. Toutes sont des deux voies avec deux haut-parleurs et amplis NCore de 120 W. La différence réside dans les matériaux utilisés :
LS1be (le modèle ici à l’essai) est le plus haut de gamme, avec tweeter en béryllium et woofer en magnésium conçus par SEAS selon le cahier des charges de Grimm.
Deux caissons de basse sont disponibles : le LS1s (400 W) et le LS1s-dmf (700 W) avec feedback numérique dynamique (DMF) qui réduit les distorsions de 30 dB et permet une réponse linéaire jusqu’à 20 Hz.
Le DSP effectue un crossover à 70 Hz parfaitement en phase entre le caisson et les enceintes principales. Le rendu est rapide, linéaire et cohérent, jusque dans l’infra-grave.
À première vue, avec ses haut-parleurs larges et minces, le LS1 pourrait être confondu avec un système home cinéma mural. Mais Grimm a choisi une baffle large pour des raisons précises : éviter les diffractions latérales et améliorer la clarté dans les médiums et le haut grave. Les bords arrondis du coffret évitent également les réflexions et atténuent les effets de bords autour du tweeter.
Ce design est directement hérité de la recherche BBC, mais adapté aux besoins d’un moniteur de précision. Résultat : un son direct, sans coloration parasite.
Tout le système Grimm a été conçu pour minimiser les effets de la pièce. Grâce à des mesures sur place et aux calculs du DSP, les effets de la salle sont pris en compte dans les corrections appliquées. Lors de ma session chez Fong Lung, l’impression d’absence totale de salle et d’enceintes était frappante. Seul subsistait le son, dans toute sa pureté.
La sensation de « son rapide » n’est pas liée à la durée, mais à la synchronisation parfaite entre fréquences, instruments et voix. Chaque élément reste parfaitement lisible, même dans les passages complexes. Avec le subwoofer LS1s-dmf, la réponse en grave est instantanée, précise, puissante – mais jamais exagérée.
Écoutant le Concerto pour violon de Tchaïkovski par Janine Jansen (en 16bit/44.1kHz), j’ai été bluffé par la vivacité, la transparence et le réalisme du son. Le violon semblait nu, percutant, tandis que la timbale donnait un impact magistral. Plus qu’un effet « live », c’était une restitution convaincante du son réel.
Sur le Concerto de Chopin interprété par Krystian Zimerman, j’entendais distinctement chaque frappe de marteau, chaque changement d’intensité – un niveau de détail que peu de systèmes offrent. C’est ce que j’appelle une véritable restitution de l’émotion musicale.
En tant qu’amateur de musique classique, le nom du label néerlandais Channel Classics ne m’est évidemment pas inconnu. Rares sont les maisons de disques à s’en tenir au DSD multicanal, et plus rares encore celles qui produisent autant d’enregistrements dans ce format. Lors de la montée en popularité du DSD grâce à la technologie DoP (DSD over PCM), Channel Classics a gagné en notoriété – et avec lui, un autre nom a émergé : Grimm Audio.
La raison est simple : Channel Classics publie la liste complète de ses équipements d’enregistrement sur son site web, dont le point clé est l’ADC (convertisseur analogique-numérique) utilisé pour transformer les signaux provenant des préamplis de micros en DSD. Cet ADC est signé Grimm Audio. Leur horloge principale vient aussi de chez Grimm.
Mais pour les audiophiles, c’est surtout les enceintes de Grimm Audio qui attirent l’attention : leur conception théorique et leur apparence sont radicalement différentes, tant du matériel professionnel que des enceintes domestiques traditionnelles. Leur maîtrise du DSP en fait de véritables pionniers du secteur.
Pendant longtemps, nous n’en avons entendu parler qu’indirectement, sans pouvoir les écouter. Même lors du salon de Munich, leur démonstration multicanale en 5.0 DSD (avec des enregistrements Channel Classics) n’était qu’un aperçu frustrant, tant l’ambiance et la durée ne permettaient pas une écoute approfondie.
Puis enfin, cette année, Grimm Audio est arrivé à Hong Kong. En mars, j’ai pu effectuer une première écoute formelle chez Fong Lung Audio à Tsim Sha Tsui. Le modèle écouté ? LS1be. Mes attentes étaient élevées – et pourtant, elles ont été dépassées. Le mot-clé : précision.
J’apprécie depuis longtemps les enceintes de monitoring actives, et j’ai déjà expérimenté les bénéfices du DSP sur ce type d’enceintes. Mais jamais encore je n’avais entendu un DSP utilisé avec une telle rigueur.
Toutes les caractéristiques techniques du LS1be ont déjà été détaillées par Chan Hai-Chuen. Il s’agit d’un mariage savant entre contraintes physiques et traitement numérique, pour atteindre un niveau d’exigence rarement vu dans le monde domestique. Résultat : une restitution d’une précision remarquable.
Lors de mes deux écoutes (la première en mars, la seconde ce mois-ci), ce qui m’a immédiatement frappé, c’est la netteté de l’image sonore et la reconstruction de la scène. De nombreuses enceintes offrent des contours nets, mais bien souvent au prix de silhouettes rigides et artificielles. Ici, l’image est nette, mais jamais figée ou forcée. On peut entendre si une voix a été enregistrée avec un micro dédié ou si l’ensemble de la scène a été capté avec une paire de micros. On peut même deviner si le chanteur bougeait légèrement la tête !
Exemple parlant : J’ai pas su y faire interprété par Juliette et accompagné par Alexandre Tharaud (album Le Boeuf sur le Toit – Swinging Paris). Dès les premières secondes, l’interaction entre voix, piano, harmoniques et réverbération ambiante saute aux oreilles. On perçoit une différence fondamentale avec les productions plus classiques à voix isolée. La transparence, la bande passante, la fidélité tonale et la précision de phase sont ici d’un tout autre niveau.
On le dit souvent : « Le grave est la partie la plus difficile à bien reproduire. » Et les problèmes sont multiples : quantité, extension, lisibilité, linéarité, cohérence avec la pièce… Très peu de systèmes y parviennent, surtout dans un budget raisonnable.
Ici, LS1be accompagné du subwoofer LS1s-dmf franchit tous les obstacles : ampleur, profondeur, lisibilité, rapidité, propreté. Rien ne déborde, rien ne bave, rien ne masque les autres registres. On sent chaque texture instrumentale, chaque nuance d’infra-grave, chaque frappe, chaque note, même à faible volume.
J’ai été particulièrement frappé par la capacité du système à restituer l’impact physique d’un piano, comme dans l’enregistrement du Concerto pour piano n°2 de Chopin dirigé par Krystian Zimerman. Même les pédales sont audibles, jusque dans leur résonance sourde !
Avec une restitution aussi linéaire, directe et équilibrée, on n’a plus besoin de chercher des effets, de jouer avec le volume ou les câbles. Tout est là, naturellement.
On dit que les enceintes de monitoring sont trop analytiques. C’est souvent parce qu’elles accentuent les défauts pour faciliter le travail du mixeur. Grimm ne tombe pas dans ce piège. Le LS1be ne cherche pas à amplifier les qualités ou les défauts : il les restitue tous, avec la même fidélité.
Cette neutralité absolue permet de se concentrer sur la musique, sans fatigue, sans frustration. Il n’est plus nécessaire de faire le tri entre émotion et technique. Tout est là.
Le système est complet : réception numérique, contrôle de volume, DSP, conversion numérique/analogique, amplification… Grimm fournit même les câbles pour garantir l’intégrité du tout. Moins de 10 % des soucis habituels subsistent. Le reste, c’est de la musique.
Ce système supprime la frontière entre matériel pro et Hi-Fi. Il satisfait aussi bien l’ingénieur du son que l’audiophile passionné. Comme le disait ma collègue Jenna : « Avec ce système, je me laisse emporter par la musique… »
Ce numéro de “煮酒” était un peu spécial : nous étions quatre chroniqueurs, répartis en deux groupes sur deux jours, dans la salle d’écoute panoramique de Fong Lung Audio à Tsim Sha Tsui, qui est aussi le studio personnel de postproduction du propriétaire, Kent Poon.
Nous avons écouté, assis en position centrale devant une large console de mixage, pendant que Kent répondait patiemment à toutes nos questions techniques. Le but : comprendre en profondeur la philosophie et le fonctionnement du système Grimm LS1be + LS1s-dmf.
Dès le départ, Kent refusa d’utiliser des fichiers hi-res ou DSD. Toute la démonstration fut faite avec des fichiers 16bit/44.1kHz, soit via Tidal (1411 kbps), soit à partir de fichiers master CD fraîchement terminés. Il voulait nous montrer que le son exceptionnel peut exister même avec le « format CD ».
Un argument de poids ? La plage de réponse en fréquence de 30 Hz à 20 kHz ±0,5 dB. Pas ±3 dB, comme la norme habituelle – non, ±0,5 dB ! Cela a été rendu possible grâce à une mesure en chambre anéchoïque, un DSP très avancé, et une chaîne complète entièrement numérique.
Premier extrait : voix féminine a cappella. Aucun accompagnement. Juste une voix pure. Et l’on entend… tout. La forme de la bouche, le souffle, la distance. Même les plosives (« pops ») dus à un micro proche sont restituées avec une précision hallucinante. Grâce au subwoofer LS1s-dmf, l’impact de ce « pop » est localisé de manière convaincante, non pas au niveau du caisson, mais là où se trouve la chanteuse dans l’espace.
Autre extrait marquant : basse électronique synthétique. Un grave ultra rapide, sec, net, sans débordement, contrôlé jusque dans les niveaux extrêmes. Pas un grave flou, mais un grave rythmé, physique et propre. Grimm affirme que leur technologie Digital Motional Feedback réduit la distorsion de 30 dB – et je le crois volontiers.
Ensuite : percussions japonaises issues de la B.O. du film “Isle of Dogs”. Impact sec, dynamique, sans artifice. Placement précis. Le système se comporte exactement comme un moniteur de studio, mais sans froideur.
Puis un extrait orchestral : The Shape of Water, direction Dominique Lemonnier. Fluidité, beauté du timbre, équilibre et musicalité… avec ce système, on ne veut plus arrêter l’écoute.
J’ai passé tout un après-midi avec le système Grimm LS1be + LS1s-dmf, et je peux l’affirmer : c’est le système le plus réaliste que j’ai jamais entendu – toutes marques et tous prix confondus.
Le Concertgebouw d’Amsterdam l’a choisi comme référence de monitoring pour ses enregistrements. Le fondateur Eelco Grimm est ingénieur du son, consultant acousticien, professeur à l’université des arts HKU à Utrecht, auteur et ancien rédacteur d’une revue audio professionnelle. Chaque produit Grimm porte cette empreinte professionnelle et scientifique.
Avant d’écrire cet article, j’ai consulté tous les manuels, white papers et ressources disponibles. La gamme Grimm Hi-Fi se compose de trois éléments : enceintes LS1, câbles TPM, horloge CC1. Tous sont utilisés dans les studios – pas de compromis.
Le système LS1be m’a littéralement pris à contre-pied. Son réalisme sonore est tel que l’on oublie l’aspect numérique, le traitement DSP, les préjugés. Je n’avais jamais ressenti une telle précision, sans froideur. Le son est net, dense, profond, cohérent.
Quand Kent m’a dit que je venais d’écouter du streaming Tidal standard, j’étais sans voix.
Tout est dans le calcul, dans la précision des algorithmes, dans le contrôle de chaque étape de la reproduction sonore : DSP, ADC, DAC, amplification. Tout est intégré. Il ne s’agit plus de hi-fi traditionnelle, mais d’un système entièrement pensé, optimisé, cohérent.
Et pour ceux qui en doutent encore ? Je leur recommande d’écouter une fois. Juste une fois. Et ils comprendront.
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