Cela fait presque vingt ans que j’ai découvert Peak Consult pour la première fois. Je me souviens du modèle Princess de l’époque : une colonne de taille modeste, mais incroyablement lourde. Elle était superbement et élégamment construite, comme de nombreux produits danois – véritables caisses en bois massif magnifiquement finies, avec une façade en cuir. L’enceinte sonnait comme elle paraissait : belle, élégante et discrète, bien que légèrement traditionnelle. Elle était facile à admirer, même si je ne l’ai jamais aimée profondément. Le problème de la Princess était qu’elle ne « dansait » pas aussi bien : riche et ample sur le plan tonal, avec un timing et une cohérence exemplaires, mais sur le plan dynamique, elle pouvait sembler un peu contenue. C’était avant.
Aujourd’hui, les choses ont changé. Tout a basculé lors d’un changement de propriétaire. Wilfried Ehrenholz, qui cherchait un nouveau projet après avoir vendu Dynaudio, la société d’enceintes qu’il avait cofondée, s’est associé à Lennart Asbjørn, désormais CEO. Ensemble, ils ont racheté Peak Consult en 2021, en conservant Per Kristoffersen, le fondateur de Peak, chargé de concevoir les superbes coffrets de la gamme.
Les talents de Per s’expriment surtout dans la conception et la construction des caisses, désormais complétés par l’immense expertise de Wilfried dans le développement de haut-parleurs et de transducteurs. Ils se sont également adjoint les services et les équipements de mesure de l’équipe de Karl-Heinz Fink pour le développement des filtres et de la mise au point finale. Les résultats de cette collaboration ont conduit à une gamme de quatre modèles véritablement remarquable.
La Sonora occupe la base de la gamme Peak (plus une enceinte centrale si besoin), mais on est ici aussi loin d’un produit d’entrée de gamme que possible. Tout d’abord, son prix de vente de 23 000 £ ne crie certainement pas « entrée de gamme ». De plus, la construction et la qualité globale sont au même niveau que les modèles Sinfonia, El Diablo et Dragon Legacy qui la surplombent.
L’approche de Peak consiste à créer la meilleure enceinte possible pour une configuration donnée : aucun compromis, aucune économie cachée. Il ne s’agit pas d’atteindre un prix cible. Wilfried détermine la meilleure pièce ou spécification de transducteur pour la tâche, et c’est ce qui est utilisé, quel que soit le coût de fabrication.
L’objectif de la Sonora était de produire une enceinte capable de rivaliser avec la Sinfonia, mais plus facile à intégrer dans des espaces réduits. Pour cela, la Sonora adopte une architecture deux voies, tandis que les autres modèles sont des trois voies. Elle se distingue également par l’utilisation d’un radiateur passif arrière au lieu d’un évent bass-reflex. C’est une colonne, certes, mais conceptuellement plus proche d’une enceinte bibliothèque. La caisse du haut-parleur occupe un peu moins de la moitié du volume total, avec une séparation interne allant du dessous du médium-grave jusqu’au radiateur passif arrière.
Sous cette séparation se trouve le filtre, dans un compartiment rempli de sable fin afin d’isoler le réseau des vibrations structurelles et aériennes. Le filtre utilise la technologie Linear Impedance Control, qui permet de maintenir l’impédance aussi favorable que possible à l’amplificateur. Associé au choix du bois massif et d’HDF épais pour la caisse, ce socle rempli de sable explique pourquoi chaque enceinte, malgré son gabarit domestique, affiche un poids conséquent de 68 kg.
La façade avant, où sont montés les haut-parleurs, est inclinée vers l’arrière pour un alignement temporel optimal, avec des facettes subtiles pour minimiser la diffraction. Le panneau arrière, quant à lui, s’incline vers l’avant, évitant les faces parallèles. Le coffret se rétrécit donc du bas vers le haut, ce qui contribue à réduire l’impression de taille tout en conservant une base suffisamment large pour assurer la stabilité. Une bande en acrylique noir brillant descend de chaque côté, brisant l’apparence « bloc de bois ».
L’aspect « domestique » est ici essentiel : ma salle d’écoute n’est pas grande, environ 4×4 m, et les modèles trois voies plus imposants peuvent avoir un grave extrêmement généreux, sans parler de leur profondeur et de leur gabarit. Bien que les Sonora, Sinfonia et El Diablo ne soient pas très différentes en taille, la Sonora est plus fine et moins profonde, avec une empreinte comparable à une enceinte bibliothèque sur pied. Elle s’accorde également mieux, en termes de coût, avec mon duo Accuphase DP570/E5000, bien que restant environ deux fois plus chère que les FinkTeam Kim habituellement en place. Une comparaison avec ces dernières s’impose.
Le volume du coffret des Kim est supérieur à celui de la section haut-parleur des Sonora, et leur haut-parleur de 8 pouces est plus grand que le 6 pouces de la Sonora (même si le radiateur passif de 8 pouces de la Sonora augmente la surface de rayonnement totale). Deux approches différentes pour obtenir un grave substantiel à partir d’un ensemble de transducteurs compacts, et toutes deux réussies. J’ai déjà décrit la Kim comme une bibliothèque qui croit être une colonne ; la Sonora pourrait presque être considérée comme l’inverse.
Et si vous pensez que la taille des transducteurs et le volume du coffret suffisent à définir les performances dans le grave, soyons clair : le grave de la Sonora n’a rien d’anémique. Il est profond, charpenté, impactant, et plus complexe que celui de la Kim, dans le même système.
Toutes les enceintes Peak sont livrées avec des barres de stabilisation (outriggers) fixées sous la base. Des pieds courts et réglables s’y vissent, maintenus par un capuchon cylindrique en acier inoxydable, reposant sur une rondelle en matériau amortissant. L’ensemble forme une interface amortie avec le sol.
Les pieds étant arrondis, nul besoin de protections pour planchers durs, même si j’ai testé les disques AcouPlex habituels. Les Sonora réagissent nettement aux réglages d’appui des capuchons : serrés fermement, cela n’a pas donné de bons résultats ; serrés légèrement, c’était mieux ; juste en contact, encore mieux. Dans ma pièce, sur parquet, les meilleurs résultats sont venus… sans les capuchons du tout. L’enceinte restait parfaitement stable grâce au diamètre du filetage. L’essai a donc été mené ainsi.
L’œuvre orchestrale « The Garden of Cosmic Speculation » de Michael Gandolfi (Telarc, SACD) illustre diverses zones d’un jardin inspiré de la cosmologie. Dès « The Zeroroom », les bois pulsants ont suscité une question : « Comment produisent-ils ce son pulsé ? ». Une sensation nouvelle, révélée par la Sonora. Le morceau « Soliton Waves » transporte littéralement le thème à travers l’orchestre, avec une énergie palpable. Le pizzicato de « Passepied » était presque inquiétant de réalisme. Et cela continuait ainsi.
Dès les premières notes, un sentiment de « justesse » évidente s’impose. Textures, timbres, hauteur, informations spatiales : tout est résolu avec une finesse telle que l’on réalise que ce que l’on entendait auparavant n’était qu’une approximation. Les instruments sonnent naturels, réels ; ils ont de la texture, du volume. Les pianos ont la masse et la taille adéquates, les voix deviennent presque effrayantes de réalisme. Le saxophone soprano – souvent strident et agressif – retrouve ici toute sa beauté aérienne lorsqu’il est bien interprété.
« Ahmad the Terrible » de Jack de Johnette (Album Album, ECM) en est l’illustration parfaite. Habituellement, si le timing n’est pas parfait, le morceau devient cacophonique. Ici, non seulement le timing est impeccable, mais le timbre du saxophone soprano de John Purcell respire comme un instrument réel. Le duo sax/contrebasse devient ludique, une sorte de cakewalk léger qui s’élève au-dessus de l’ensemble lorsque le groove se met en place.
Ces révélations s’enchaînent. Outre les couleurs tonales et textures, la Sonora délivre un niveau de résolution spatiale impressionnant. Sur le *Requiem allemand* de Brahms (LSO/Previn), il est évident que l’enregistrement a été réalisé dans une salle, et non en studio. L’orchestre et les chœurs s’étendent devant vous, avec une échelle et un espace parfaitement crédibles. Dans le « selig sind » d’ouverture, la retenue de l’orchestre et du chœur est palpable.
Je me suis surpris à replonger profondément dans ma collection classique, tant la Sonora révèle la structure et l’organisation des grandes œuvres. Habituellement, une préférence excessive pour un genre musical m’inquiète. Ici, non : j’écoutais davantage de classique parce que je ne l’avais jamais entendu rendu avec une telle naturalité, ampleur et lisibilité.
Parfois, il semblait possible d’isoler des sections d’orchestre jusqu’au niveau des instruments individuels ; il devenait plus facile de comprendre l’intention du compositeur, l’utilisation des pupitres, ou l’interprétation du chef. La capacité de la Sonora à organiser et séparer une multitude de lignes entrelacées est inégalée dans mon expérience, surtout à ce prix. Une part importante de cela réside dans la précision des informations de hauteur tonale.
En quittant le classique : « Fanm », extrait de *What Heat* (Bokanté & Metropole Orkest, Real World), déborde d’énergie et de drive, mais laisse chacun des voix et instruments se développer, la Sonora permettant de suivre chaque ligne mélodique grâce à cette extraordinaire précision tonale.
Dans le jazz, l’interaction entre musiciens est cruciale. Avec Renaud Garcia-Fons, « Berimbass » (Arcoluz, Enja), la contrebasse et la guitare espagnole dialoguent. Lorsque la basse passe le relais à la guitare, elle continue de jouer en soutien harmonique. Souvent, ce rôle reste flou. Ici, chaque note est audible, ancrant parfaitement la structure musicale.
Il ne fait absolument aucun doute que la Peak Consult Sonora est une enceinte extraordinairement accomplie et musicale. Sa capacité à résoudre les informations de timbre, d’espace, de hauteur et de timing dépasse tout ce que j’ai entendu, produisant un réalisme saisissant. Elle place l’auditeur devant un véritable événement musical, sans effort apparent ni artifice. Sa maîtrise de la dynamique suit le même niveau, même si elle dépend davantage d’un réglage soigneux.
Comme pour de nombreux produits de ce calibre, la Sonora exige une installation méticuleuse, et les efforts nécessaires sont largement récompensés. Ce ne sont certainement pas des enceintes d’« entrée de gamme » au sens classique du terme, mais elles pourraient très facilement représenter une fin de parcours audiophile.
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