Vermeer Audio est une société française spécialisée dans la conception de convertisseurs – préamplificateurs audio, numériques et analogiques de très haut de gamme. Si l’entreprise est encore récente sur le marché des équipements audio high-end, elle s’appuie néanmoins sur l’héritage d’une ancienne gloire française des sources haut de gamme numériques, celui de feu Audio Aéro. Je suis d’ailleurs entré en contact avec Bruno Ginard lors de mon dernier banc d’essai d’un appareil Audio Aéro, celui de La Source pour être exact, leur très haut de gamme de l’époque.
Fin 2014, alors que la dernière tentative du constructeur de revenir sur le marché de la hi-fi haut de gamme s’était finalement soldée par un échec, un repreneur de l’activité s’était fait connaître en acceptant d’assurer le SAV des dernières générations d’appareils : un vrai soulagement pour les derniers acquéreurs des DACs / lecteurs La Fontaine et La Source qui avaient investi des sommes conséquentes pour l’acquisition de leur matériel ! C’est ainsi que j’ai pu croiser à différentes reprises Bruno Ginard, ancien actionnaire d’Audio Aéro, qui représentait cette nouvelle marque “Vermeer” en tant que CEO lors de nos passages annuels à Munich, et, à force de se croiser, l’opportunité de collaborer sur un banc d’essai de leur nouvelle machine s’est finalement présentée.
Le Vermeer Two Universal Control Center LAN, contrairement à ce que son nom peut laisser penser, est la première machine à avoir été conçue par le constructeur. Le nom désigne en fait sa position dans la hiérarchie de la future ligne de produits à venir, le Vermeer One représentant le sommet de la gamme et le Vermeer Three l’entrée de gamme. Le Vermeer Two constitue donc en quelque sorte “l’épure”, qui sera ensuite sophistiquée ou simplifiée pour répondre aux attentes d’un plus large public… Pour la petite histoire, le nom “Vermeer” fait bien référence au Maestro de l’école hollandaise, sujet de prédilection d’un des associés, et choix unanimement retenu pour symboliser qualité et beauté d’un travail de reproduction, qu’il soit pictural ou sonore… Par rapport à la dernière période de la vie mouvementée d’Audio Aéro, je dirais que les ambitions de Vermeer semblent à la fois plus modestes et plus élevées. J’avancerais “plus modestes” car l’objectif avoué n’est pas de faire fortune ou de développer un business particulièrement lucratif, mais bien de se faire plaisir… c’est pour cela que Bruno Ginard considère cette entreprise avant tout comme une aventure humaine et non pas comme une source d’enrichissement personnel. Et c’est pour cela également que la petite communauté de séniors qui préside aux destinées de la marque prend son temps. Et c’est pour dire puisqu’en quatre années d’existence, Vermeer Audio n’aura conçu qu’un seul produit ! Et c’est bien pour les mêmes raisons qu’on peut considérer que le projet de Vermeer est ambitieux car il faut pouvoir se payer le luxe de passer autant de temps, et de consacrer autant de ressources, pour le développement d’un seul et même produit, surtout lorsqu’on ne part pas vraiment d’une page blanche mais d’appareils aussi aboutis que pouvaient l’être ceux d’Audio Aéro. Je tiens néanmoins à nuancer mes propos en précisant que l’appareil qui m’a été confié, le Vermeer Two Universal Control Center LAN, est une évolution du tout premier modèle lancé par cette société puisqu’il intègre une carte réseau qui n’existait pas à l’origine.
Pour en revenir à la société fondée par Bruno Ginard, et basée dans les environs de Lyon, Vermeer emploie aujourd’hui un effectif relativement réduit, et fait donc largement appel à la sous-traitance, et plus particulièrement à la société suisse Engineered dont les équipes avaient accompagné auparavant Audio Aéro. La société est avant tout animée par des partenaires et amis de longue date qui ont tous une fonction dans l’entreprise, ce que Bruno Ginard qualifie d’”actionnariat participatif”. Ainsi Georges Noblet, ancien coanimateur du point de vente lyonnais “L’Émotion Musicale”, mais aussi restaurateur de tableaux et photographe en charge des essais pour la marque japonaise d’objectifs “Sigma”, est en charge du design des boîtiers des appareils et participe activement aux séances d’écoute et de validation des modifications apportées aux électroniques Vermeer. Henri Decaens, ancien chef d’entreprise ayant dirigé un groupe industriel de mécanique de précision, fait office de conseiller technique pour les relations avec les fournisseurs et sous-traitants. Quant à Sabine Giner, épouse de Bruno, elle s’était auparavant occupée de l’administration des ventes d’Audio Aéro. C’est donc tout logiquement qu’elle a la charge aujourd’hui de la relation clients et du réseau de distribution de Vermeer Audio. Enfin, l’atelier de montage et la partie technique sont confiés à Dominique Prost, électronicien et spécialiste du matériel hi-fi haut de gamme depuis de longues années.
Le lecteur réseau et DAC Vermeer Two semble avoir hérité du patrimoine génétique du “La Fontaine” d’Audio Aéro. Le modèle Two partage en effet le même superbe châssis, le même schéma général et la même sortie analogique à base de double triode 6021. L’équipe de Vermeer a néanmoins revu l’alimentation, le choix du convertisseur et des horloges, dans l’optique d’atteindre un résultat sonore aussi proche que possible de l’ancien porte-étendard d’Audio Aéro, le bien nommé “La Source”. De mémoire, le sommet de la gamme d’Audio Aéro était superbe, mais fortement pénalisé en termes de prix de revient par son châssis très compliqué à manufacturer. Cela me semble ainsi une sage décision que de s’être cantonné à celui du La Fontaine qui compte déjà parmi ce qui se fait de mieux sur le marché des sources numériques, et bien loin de l’aspect DIY d’un Totaldac… Par rapport à la précédente édition, la version LAN embarque des condensateurs “Black Path” fournis par le manufacturier Convergent Audio Technology, et désactive la sortie numérique BNC active sur le premier modèle (afin de pouvoir connecter et alimenter la carte réseau Engineered sans modifier en profondeur le schéma du Vermeer Two). À l’arrière, le Vermeer Two Universal Control Center LAN est plutôt généreux en ce qui concerne la connectique : on dénombre ainsi 3 entrées analogiques (2 RCA et 1 XLR), 2 sorties analogiques RCA doublées XLR, et pas moins de 6 entrées numériques dont 1 BNC, 1 coaxiale, 1 USB asynchrone, 1 Toslink, 1 AES / EBU et 1 S/PDIF. Comme mentionné précédemment, le châssis en aluminium est particulièrement qualitatif avec une épaisseur de 4 cm pour la partie principale et 5 cm pour le capot. Les trois pieds coniques en aluminium permettent d’assurer une bonne insensibilité du coffret aux vibrations. Ceux-ci sont particulièrement bien conçus et légèrement émoussés, ne nécessitant ainsi pas d’être placé sur des contre-pointes pour protéger le meuble sur lequel ils reposent.
Vermeer propose une image stéréo très large et très focalisée. C’est indéniablement la grande qualité de ce DAC – lecteur réseau. J’ai d’ailleurs retrouvé dans cette écoute les qualités de La Source augmentée des bienfaits de la dématérialisation moderne, comme quoi la filiation avec Audio Aéro reste bien présente. C’est une présentation très claire et détaillée qu’offre le Vermeer, exactement dans la lignée des derniers modèles d’Audio Aéro. Mais contrairement à ce qu’un appareil comme La Source pouvait faire ressentir, c’est-à-dire une dimension presque chirurgicale, sans doute renforcée par la mécanique Esoteric, le Vermeer Two m’a semblé offrir davantage de fluidité, une image sonore un peu moins “pixelisée”. Sans doute l’implantation de la carte réseau contribue en partie à ce gain en fluidité, mais le Two reste à mes oreilles légèrement plus naturel que ce que j’avais pu expérimenter avec La Source. Je dois néanmoins préciser que cette impression se base sur deux écoutes distantes de plusieurs années, ce qui affaiblit par conséquent le poids d’une telle affirmation. Les réglages du DAC ne sont pas particulièrement nombreux mais s’avèrent néanmoins très utiles. Le choix de la tension de sortie fixe (2V, 3V ou 4V) permet une adaptation plus fine au préampli ou au bloc de puissance. L’inversion de phase est forcément utile mais l’aurait sans doute été encore davantage si elle avait été activable à partir de la télécommande. Bref, une option sympathique mais toujours plus utile lorsqu’on peut inverser la phase à la volée afin de distinguer à l’oreille le meilleur réglage pour chaque enregistrement. Après avoir essayé les trois niveaux de tension de sortie fixe possibles, j’ai opté pour celui intermédiaire de 3V avec mes amplificateurs RPA-W3 EX de chez SPEC Corporation en liaison directe XLR. Mais avant cela, j’ai pu comparer différentes options de réglage du volume : celle de l’étage de préamplification interne (sortie variable) du Vermeer Two, celle du contrôleur de gain HVC5 de SPEC, et celle du Lumin X1, cette fois utilisé en tant que transport numérique avec le Leedh processing. Les résultats sont ainsi allés crescendo. L’étage du préamplificateur interne du Vermeer Two est plutôt bon. Il est assez neutre pour un étage analogique à tube et ne dégrade pas particulièrement la performance intrinsèque de l’étage de conversion N/A. La gestion du volume et l’acheteur sont particulièrement confortables, qu’on opère à partir du panneau frontal de l’appareil ou via la télécommande. En sélectionnant la sortie fixe et en entrant directement sur les blocs de puissance SPEC, c’est néanmoins mieux : on gagne en transparence et en aération. C’est un résultat somme toute logique puisqu’on supprime des composants du chemin du signal, le réglage de gain ne faisant pas transiter le signal audio. Puis en utilisant le transport Lumin X1 sur l’entrée USB du Vermeer Two, le son gagne encore en transparence et en naturel. En insérant un préamplificateur externe dans la boucle, on s’aperçoit vite de la coloration qu’apporte ce maillon, aussi bon soit-il, comme l’est le Coïncident Statement Line Stage MK2. Dans ces conditions, l’étage de sortie variable du Vermeer Two remplit sa part du contrat et ne gagne pas vraiment à être secondé par un préamplificateur externe. C’est un peu injuste en effet d’avoir placé le Vermeer Two en face de ce que je considère être les deux meilleurs réglages de volume disponibles sur le marché à l’heure actuelle. Certes, le DSP Leedh est encore d’une diffusion très restreinte sur le marché puisqu’à l’heure actuelle, seul Soulution, 3D Lab et Lumin le commercialisent. Mais bientôt d’autres fabricants devraient emboîter le pas, et peut-être bien Vermeer dans le cadre de la sortie d’un tout nouvel appareil… Le Vermeer Two directement associé à mes deux amplificateurs de puissance Luxman M800 m’a conforté dans mon appréciation de son étage de préamplification. J’ai constaté un niveau de prestation quasi identique à celui obtenu avec mon Coïncident Speaker Technology Statement Line Stage MK2, voire un léger mieux en termes de précision et de qualité de timbres. On ressent la petite coquetterie du tube mais c’est tellement bien fait qu’on s’y prête bien volontiers. Le léger des notes de piano, des violons est addictif. Le Vermeer délivre un son très aéré et en même temps des basses très profondes et tenues. Le grave est vraiment de toute beauté. Et puis il y a énormément d’informations, et contrairement au côté un peu fantasque de mon Audiomat Maestro 3 Référence, le Vermeer Two semble regorger d’autant d’énergie mais en gardant davantage le contrôle. Il donne également plus de relief par rapport à l’Audiomat. À titre d’exemple, les voix du public en arrière-plan de prises de son live semblent plus distantes, mieux séparées qu’avec le DAC Audiomat. À l’écoute du triple concerto de Beethoven interprété par l’orchestre symphonique de la radio de Francfort (sous la baguette de Paavo Jarvi), on apprécie instantanément dans l’allegro l’ampleur de l’orchestre, la précision de placement des pupitres, la richesse harmonique racée du piano, la séparation des instruments et la qualité des timbres. On retrouve l’holographie typique du tube mais sans qu’elle paraisse pour autant surnaturelle. Non, et c’est précisément ce qui force l’admiration à l’écoute du Vermeer Two, c’est ce côté très naturel et limpide. “Limpide” est d’ailleurs sans doute le maître mot pour décrire les qualités sonores de ce lecteur réseau – convertisseur.
En comparaison, le Maestro 3 Référence équipé de l’option de réglage de volume analogique (à l’instar du Vermeer Two) sonne moins ample et moins soyeux. Il n’a pas cette fluidité et cette douceur, certes un peu systématique, du Vermeer. Pour arriver à un résultat comparable, il faut intercaler un préamplificateur comme le Coïncident Speaker Technology entre le lecteur et les blocs Luxman. Mais on perd en chemin un peu de résolution, alors que le chemin plus court du Vermeer permet de préserver davantage d’informations. J’en reviens toujours à cette superbe scène sonore, très large et profonde, mais aussi parfaitement focalisée du Vermeer Two Universal Control Center LAN. C’est particulièrement addictif. On pourrait attendre peut-être un médium un peu plus généreux, un son un peu plus viennois des instruments à cordes ou des bois. Mais n’est-ce pas parfois un peu exagéré ? Difficile à dire, d’autant plus que la douceur du Vermeer remporte facilement mon adhésion… Sur le Magnificat du Trondheim Solistene enregistré chez 2L, l’excellente focalisation du lecteur Vermeer met particulièrement bien en valeur la polyphonie. On a à la fois l’impression d’une grande homogénéité et d’une foultitude de détails. Avec l’Audiomat, on dirait que certaines voix se détachent davantage, comme si on avait voulu augmenter le niveau de contraste, alors que le Vermeer Two délivre un son plus fondu, à la fois plus global et plus détaillé. C’est déstabilisant parfois de ressentir de telles différences d’un appareil à l’autre. Ce constat est globalement identique pour les fichiers PCM et DSD, et j’ai cru discerner un nivellement des performances plus conséquent entre fichier red book et fichier DSD chez Vermeer que chez Audiomat, chez qui le DSD apporte un plus indéniable à l’écoute en comparaison du PCM. Je n’ai pas non plus discerné de différences de rendu probantes entre entrée USB et entrée LAN. La seule fois où j’ai pu ressentir une vraie différence a été lorsque j’ai utilisé le Lumin X1 en amont avec son volume numérique Leedh. Mais en utilisant une entrée USB numérique fixe, je n’ai pas décelé de différences flagrantes. J’avoue ne pas avoir pris le temps de tester l’entrée AES-EBU. Les quelques essais réalisés sur l’entrée SPDIF m’ont paru également très satisfaisants. Je ne trouve pas de correspondances ou de parallèles qui me viendraient à l’esprit parmi les appareils que j’ai eu le loisir d’héberger chez moi, à part La Source d’Audio Aéro. Comparer le Vermeer Two à des sources comme l’Audiomat, les Totaldac, le très plaisant B.dac de B.audio, ou bien encore le Métronome Technologie DSc1 n’appelle pas d’analogies évidentes. Peut-être ce dernier serait encore ce que je peux considérer de plus proche en matière de signature sonore. Le DSc1 offre peut-être une plus grande neutralité comparé à la petite coquetterie de l’étage de sortie tube du Vermeer. Mais celle-ci est tellement bien conçue qu’elle apporte finalement davantage de plaisir d’écoute que de coloration propre, un peu à l’instar des montages d’Ypsilon Electronics. Je ne suis sans doute pas la personne la plus objective en la matière, car j’ai toujours eu une faiblesse avérée pour les préamplificateurs à tubes, du moins pour ceux qui évitent les écueils d’une restitution trop atteuse, ou caricaturale. En revanche, le Vermeer Two me semble aller plus loin que le DSc1 en termes de niveau de détails et de qualité de l’image tridimensionnelle qui est peut-être ce que j’ai entendu de plus convaincant à ce jour.
Le Vermeer Two s’inscrit dans la lignée des derniers appareils développés par Audio Aéro avec des performances qui progressent sensiblement. C’est un appareil très sainement conçu : une architecture modulaire, donc évolutive, et une stabilité exemplaire. L’image stéréo qu’il délivre est tout simplement exceptionnelle : il propose une holographie surprenante tout en conservant une matérialisation et une hiérarchie des plans sonores quasi-parfaite. Le ticket d’entrée n’est bien évidemment pas donné, et pour surclasser assez nettement les prestations d’un Audiomat Maestro 3 Référence, sans pour autant bénéficier de toute la délicatesse d’un Mola Mola Tambaqui, mais avec une fonction transport numérique meilleure que celle de l’entrée Roon du DAC hollandais, il faudra doubler le prix. À ce niveau de prix, on achète un ticket pour une certaine forme de pérennité, une écoute jamais fatigante bien qu’ultra définie, une qualité de fabrication remarquable et une complète immersion dans la musique. Le Vermeer Two Universal Control Center (il faudrait peut-être raccourcir ce nom) est typiquement l’appareil conçu par des audiophiles pour des audiophiles, pas surprenant donc qu’ils s’y retrouvent. Mission accomplie !
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