C’est le plus petit modèle du catalogue Vivid Audio, ainsi que la dernière venue dans la gamme Kaya. Parfois, ce n’est pas forcément le modèle le plus onéreux d’une gamme de produits qui demande le plus d’ingénierie ou d’efforts de R&D, mais le plus petit qui requiert finalement une somme de travail considérable pour faire entrer la dérivée technologique du flagship dans le modèle d’entrée de gamme sans sacrifier l’image de qualité, et de performance attachée à la marque. Cela a été ainsi un exercice de style pour Laurence Dickie que de préserver la majeure partie des qualités des enceintes de la gamme Kaya (voire même Giya) dans un si petit coffret tout en essayant par ailleurs d’aller plus loin que ce qui avait été déjà réalisé dans la série originale des Oval et notamment pour la B1 Decade (superbe bibliothèque toujours présente au catalogue du fabricant), tout en étant moins cher et moins encombrant… A peine déballée, la toute nouvelle S12 vous fait craquer avec sa jolie petite bouille. Il n’y a qu’à voir comment Laurence Dickie chérit son dernier bébé… Même le tripode sur lequel elle est montée vous met du baume au cœur en vous faisant prendre conscience que le traditionnel piétement d’enceinte bibliothèques est finalement bien peu élégant… On n’en attendait pas moins de Laurence Dickie qui n’est de toute évidence pas abonné aux parallélépipèdes rectangles. Reste que cette Vivid Audio Kaya S12 est une réussite totale en termes de design une fois de plus ! Mon intimité avec les produits de la marque sud-africaine me laisse à penser que cet apparent effort de recherche stylistique ne se limite pas à l’extérieur mais que l’engineering pour faire fonctionner un si petit volume de charge acoustique a dû être particulièrement poussé lui aussi. Et c’est effectivement bien le cas…
Il y a énormément de travail de conception précédant la sortie d’une nouvelle Vivid Audio, qui fait que, lorsqu’on achète ce type d’enceintes, on achète autre chose qu’une simple enceinte acoustique. On achète une petite prouesse technique, le fruit d’un travail à mi-chemin entre artisanat et production industrielle en petite série. C’est un peu comme si on passait d’une Rolex GMT à une montre faite par Philippe Dufour ou François Paul Journe… Malgré son volume interne très modeste de 12 litres, la S12 utilise la même technologie de tube exponentiel de la gamme Giya. Les caractéristiques physiques de l’enceinte ont néanmoins obligé Laurence Dickie à chercher d’autres moyens pour héberger un tel dispositif à l’intérieur d’un si petit coffret. Le tube d’amortissement exponentiel de l’onde arrière a donc été enroulé afin d’exploiter au mieux le volume du coffret de la petite S12. La Vivid Audio Kaya S12 est entièrement bâtie à partir d’un coffrage en polyuréthane moulé sous pression. Elle adopte une architecture deux voies on ne peut plus classique pour un moniteur. Côté transducteurs, si on retrouve avec bonheur le tweeter à dôme de 26 mm D26 utilisé dans toute la gamme Vivid, le woofer de médium grave est un nouveau haut-parleur conique de 100 mm en alliage d’aluminium et magnésium, le C100D. Le C100D bénéficie d’un moteur plus conséquent par rapport aux précédentes versions de ce haut-parleur de grave médium de 10 cm. La structure du moteur a été en outre complètement revue avec un aimant rayonnant sur une plus longue portée comme déjà utilisé sur le woofer C125D de la B1 Decade. Mais ce sont bien d’autres avancées techniques qu’il convient de saluer dans la conception de cette nouvelle S12. Laurence Dickie a réussi en effet à transformer une contrainte, celle d’une toute petite charge acoustique, en opportunité en mettant au point un nouveau système d’absorption : l’OmniAbsorber. Ce dispositif consiste dans l’annulation des résonances latérales caractéristiques des bibliothèques deux voies. Pour ce faire, Laurence Dickie a travaillé sur un concept d’absorbeur axisymétrique annihilant les distorsions mais difficilement logeable dans un si faible litrage. La solution a été le développement d’un absorbeur axisymétrique déformé, renommé « Omni-Absorber » par la suite. En bref, il emploie des propriétés différentes pour chacune des cavités du coffret. Il réside dans l’application du procédé mis au point pour les enceintes de la série Giya, « Vented Exponentially Tapering », mais sur différents plans ou niveaux. Il permet ainsi de ne pas traiter uniquement que les modes verticaux mais tous les modes de façon omnidirectionnelle. Il permet également de conserver une architecture bass reflex, particulièrement utile avec un si petit format. Sur le graphe de gauche, vous pouvez constater les résonances traditionnelles constatées dans une caisse non équipée du dispositif d’absorption axi-symétrique mis au point par Laurence Dickie. Même si le dispositif a sensiblement évolué par rapport au prototype original pour l’adapter à la géométrie du cabinet, l’OmniAbsorber permet d’atteindre le résultat affiché sur le graphe de droite, soit une performance sans doute jamais atteinte avec une bibliothèque deux voies conventionnelle… Pour terminer, la S12 conserve les formes arrondies chères à la marque, permettant de réduire au minimum les effets de diffraction des ondes sonores dues au cabinet. L’amorce de pavillon permet au tweeter une excellente dispersion et un raccordement optimal avec le haut-parleur de médium grave, à 3 kHz. Les données communiquées par le constructeur font état d’une sensibilité de 87dB @ 2,83 VRMS à 1m dans l’axe, ainsi que d’une impédance nominale de 8 Ohm avec un point bas à 5,3. La S12, malgré un rendement plutôt moyen, est donc une enceinte assez facile à piloter, à l’instar de la grande majorité des modèles du constructeur. La bande passante s’étend de 45 à 25 kHz avec une plage de variation de -6 dB. Le taux de distorsion harmonique (2ème et 3ème) est donné pour être inférieur à 0,5% sur l’ensemble de la bande passante à 1W.
J’ai écouté les S12 dans deux environnements acoustiques distincts, ma pièce de vie en écoute de proximité, et ma salle dédiée en position éloignée. J’ai commencé dans la pièce de vie en remplaçant les Récital Audio Illumine par ces petites bibliothèques Vivid Audio. Le changement a été assez radical : un peu moins d’assise dans le grave pour les poids plume de Laurence Dickie, mais une impression d’avoir augmenté très nettement le niveau de résolution. L’image stéréo est sensiblement plus aplatie (on n’a pas les haut-parleurs à la même hauteur d’oreille). Mais elle est en revanche plus structurée, plus tridimensionnelle, comme si la mise en phase des haut-parleurs avait vraiment progressé. Il y a peut-être également moins de distorsion, ce qui semblerait assez logique au regard du travail avancé de dissipation des ondes arrières. J’ai presque été bluffé car, à type de membrane relativement proche, on se rend mieux compte du gain apporté par toute l’ingénierie d’un technicien comme Laurence Dickie. J’ai retrouvé globalement les mêmes impressions dans ma pièce dédiée entre ces deux paires d’enceintes. Mais ce qui est phénoménal, c’est leur capacité à restituer une grande proportion de ce que délivrent les grosses G1 Spirit. Bon, heureusement que mes enceintes full range amènent plus de densité, d’assise dans le bas du spectre et de dynamique. Mais le petit poucet Vivid apporte l’essentiel des qualités des grandes Giya à un niveau de performance moindre. On retrouve au final tout ce qui fait les qualités du flagship comme si on avait juste réduit l’intensité du modèle de référence sans en travestir pour autant la personnalité. L’homothétie est quasiment parfaite ! Le format compact de la S12 n’autorise pas le même niveau d’articulation des G1 ni le même respect des écarts de macro-dynamique. Le résultat reste néanmoins bluffant en termes de qualité et de taille de l’image stéréo ainsi que de niveau de détail. J’avais beaucoup apprécié les B1 de la série Oval mais je suis tout aussi impressionné par les Kaya S12. En me remémorant mes souvenirs d’écoute de moniteurs modernes qui m’ont vraiment marqués, je ne trouve aucune enceinte qui rivalise vraiment à ce niveau de prix. Pour ce niveau de performance, je devrais aller chercher du côté des petites Diapason Karis Wave, ou bien des TAD Micro Evolution One. Et encore, je pense que la lisibilité et la clarté des petites Kaya seraient difficiles à égaler. Et en termes de neutralité, les Magellan Duetto et les Sonus faber Guarneri me paraissent complètement larguées. Même les jolis moniteurs Klinger Favre ne peuvent à mon avis se prévaloir d’un si faible niveau de distorsion ou d’une image stéréo aussi structurée. Bref, vous avez compris que ces enceintes sont un véritable coup de cœur. Les voix sont vraiment troublantes de réalisme, que ce soit sur les cimes empruntées par Melody Louledjian sur l’album « Chants de l’aube et du soir », que sur les terres rocailleuses de Leonard Cohen. C’est la définition qui fait la surprise, celle d’arriver à procurer la texture ultra détaillée d’une voix qu’on croirait réservée à de plus grosses enceintes. Mais c’est également cette absence de son de boîte et cette capacité à restituer une dynamique articulée qui laissent généralement loin les autres enceintes du marché. Il y a un certain nombre d’enceintes qui balancent de la dynamique jusqu’à vous fatiguer les oreilles. Il faut juste beaucoup de rendement, ce qui n’est pas très compliqué à réaliser. Mais la S12, à l’instar de ses grandes sœurs, amène cette articulation, recrée en fait cette sensation d’entendre vibrer une corde vocale, une corde de violoncelle dans l’air ambiant. C’est très caractéristique des Vivid Audio et cela reste bluffant dans un format aussi compact. Certes, sur les grandes masses orchestrales, les petites S12 avouent leurs limites et ne peuvent pas vraiment rivaliser avec de grosses enceintes full range. Il leur manquera la surface émissive et le volume de charge pour recréer la sensation d’être dans une grande salle de concert. Néanmoins, ce qu’elles font n’est pourtant pas rédhibitoire, surtout si on considère la dynamique que Laurence Dickie a réussi à restituer, ainsi que la taille de l’image stéréo et 3D que les S12 développent. Sur la Burlesque de Richard Strauss, les Kaya S12 occupent l’espace, et ne cantonnent pas l’orchestre de Radio France à un simple aplat monochrome. La clarté naturelle des enceintes Vivid Audio est bien présente, ce qui permet de différencier très précisément les timbres des instruments. Les contrastes dynamiques, les attaques de notes, les transitoires, tout est reproduit avec un degré d’intensité moindre qu’avec mes G1 Spirit, mais pour autant presque plus spectaculaire pour de si petites enceintes.
Bref, et pour conclure, c’est un gros coup de cœur, oui, totalement inconditionnel pour une réalisation hors du commun. La Vivid Kaya S12 fait partie de ces produits d’exception auxquels on s’attache, qu’on est fier de posséder et dont on s’émerveille des qualités à chaque nouvelle utilisation. S’il ne fallait retenir qu’un seul petit moniteur ultra-polyvalent, cela serait celui-ci sans l’ombre d’un doute !
Copyright 2021|2025 - Tous droits réservés