La petite entreprise de Montauban, dirigée par Gilles Douziech et Éric Poix, conçoit et fabrique tout de A à Z, digne d’un artisanat de haute qualité, comme l’a montré notre reportage dans Haute Fidélité n° 241. La gamme comprend la DP77 de 77 cm de haut, la DP140 (HF n° 233) puis la DP160 de respectivement 140 et 160 cm dotées d’un tweeter séparé. La DP160 est déclinée en version Activ Bass DP160 AB (HF n° 239), le haut de gamme étant défendu par la DP160 Signature au filtre passif externe doté de composants ultimes Mundorf et Lefson. Une série Élégance propose même un assortiment de coloris originaux mariés à diverses essences de bois plaquant le support du tweeter en contreplaqué de bouleau. Ils sont tous dotés du procédé Push-Pull Bipolar Magnet, breveté par Diptyque en 2017, extrapolation nettement optimisée du Magneplanar créé par Jim Winey en 1969. Les DP77 parviennent maintenant à pleine maturité grâce à cette version 10th Anniversary.
L’amélioration la plus visible est le support orientable en métal de section rectangulaire à la fois d’apparence légère, tout en étant particulièrement rigide, car vissé sur un socle massif métallique de forme elliptique assurant une base mécanique ultra-stable. La fixation est cachée par une élégante pièce de bois en chêne massif de provenance locale, usinée par Diptyque, présente aussi aux articulations maintenant le cadre des DP77. Celui-ci a été rigidifié grâce à des points de soudure répartis en haut et en bas, et non pas sur les côtés comme avant. En partie basse se trouvent les nouveaux borniers de haute qualité, en cuivre pur plaqué or. Grâce à ce nouveau cadre à la finition poudrée parfaite, la rigidité structurelle permet une nette amélioration sur le plan des attaques et de la précision de l’image. Le mariage des matières est très réussi visuellement, tout comme la pureté générale du design, qui mériterait de figurer dans un musée d’Art moderne. A fortiori, les DP77 s’intégreront à merveille dans votre salon de taille moyenne ou petite, par leur taille et une empreinte visuelle des plus mesurées.
Le secret des qualités réside dans la cellule grave médium de 0,132 m² fonctionnant suivant le principe exclusif Push-Pull Bipolar Magnet, intégré dans une structure mécanique en sandwich extrêmement rigide garantissant une totale absence de coloration. Les aimants plats laminés en caoutchouc sont placés des deux côtés de la membrane, procurant un champ magnétique puissant et constant. Celle-ci est en mylar de 12 microns traitée par ionisation, à la tension calibrée par un procédé pneumatique exclusif. Appliquée sur le mylar, la grecque conductrice aux pistes de 3 mm est découpée dans une feuille d’aluminium pur verni de 40 microns, dotée d’un adhésif au verso. La cellule complète est collée dans un support constitué d’un sandwich en MDF de qualité Mediland (plus dense et moins de colle) recouvert de feutrine, assemblé par collage, puis maintenu dans un cadre mécanosoudé conçu par Éric Poix, conférant une rigidité parfaite et stable dans le temps. Les grilles de protection perforées d’un millimètre sont embouties sur une matrice grâce à une presse hydropneumatique exerçant 20 tonnes de pression. Cette version DP77 10th Anniversary inaugure un nouveau tweeter à ruban, plus large et plus long (30 cm), qui reprend plus bas en fréquence, à partir de 1200 Hz jusqu’à 19 kHz. Les puissants aimants néodymes en terre rare sont répartis de chaque côté de la membrane, dont les pistes conductrices sont plus fines que le médium. De par la haute qualité intrinsèque de ces transducteurs plans, le filtrage peut se limiter au strict minimum : une self sur air Mundorf de section majorée pour une coupure à 6 dB, et une résistance en série sur le tweeter.
Le fonctionnement en doublet acoustique demande un peu d’attention dans le positionnement des DP77 : distance du mur arrière (qui peut être assez proche), éloignement des enceintes, pincement très léger, inclinaison. À noter que Diptyque propose un câble HP spécifique conçu par 02A, baptisé Sublime, utilisé pour les écoutes. Le rendement faible nécessitera un amplificateur adapté, pas forcément onéreux mais qui doit être capable de fournir les watts demandés. Timbres : Les Diptyque sont sensationnelles sur la restitution des timbres acoustiques, qui ont rarement paru aussi naturels, exempt de toute coloration de boîte, non déformés par une membrane trop lourde pour égaler celle des DP77 en mylar de 12 microns. Les voix ont une présence physique et un réalisme qui vous font percevoir les chanteurs comme de chair et de sang, posés devant vous, pour vous. Les moindres microdétails sont restitués en toute légèreté comme la respiration de l’interprète ou les réverbérations de salle qui participent au réalisme confondant des DP77. La même aisance se perçoit sur la restitution du piano qui ne fera pas confondre la marque du modèle tant les différences harmoniques sont distinctes d’un facteur à l’autre. C’est un grand Bechstein D282 qui exprime sa puissance sous les mains virtuoses d’Yves Henry sur le Récital Franz Liszt à l’église Saint-Marcel de Paris (Soupir Éditions); les Diptyque en traduisent toute l’étendue des registres et la présence spatiale, même si l’extrême grave est un peu écourté. En revanche, la texture de la main gauche est d’une richesse rare, car le grave est agile et sans traînage, alors que l’aigu s’intègre très bien à ce médium somptueux, pour une cohérence générale des registres réussie. Dynamique : Lorsque l’amplification suit bien, la palette dynamique des DP77 est largement crédible. Il est possible de pousser un peu le volume sans crainte d’arriver aux limites, dictées par celles de l’amplificateur qui ne devra pas écrêter sur les forte. Alors l’assise dynamique devient bluffante pour des enceintes de taille réduite, et écouter l’album Time Zone de Christophe Walleme montre le pouvoir d’expression immense des variations d’intensité dont sont capables les Diptyque. La présence et l’attaque de la double basse sont exemplaires, le trio surprend par l’entrain et le sentiment de réalisme omniprésent de chaque instrument, le bandonéon de Daniel Mille étant particulièrement chaleureux, alors que la vivacité des percussions de Minino Garay fait plaisir à entendre. Une sorte de liberté sans contrainte s’exprime pour laisser libre cours au jeu inspiré de Wallemme et de ses compagnons. Même sur un orchestre symphonique, les DP77 ne peinent pas, la pâte sonore possède une présence souveraine, bien cohérente du grave à l’aigu, sans coincer en poussant le niveau, toujours avec ce réalisme incomparable des textures de chaque pupitre instrumental. La musique est là, tout simplement. Scène sonore : Une fois bien positionnées par rapport au mur arrière pour trouver le bon dosage entre sons directs et sons réfléchis, les DP77 vous font accéder à un espace véritablement tridimensionnel, sans contrainte. Les instruments sont libres de s’exprimer sans être engoncés dans une sonorité de boîte, finalement très difficile à faire disparaître autrement que par des panneaux isodynamiques en dipôle acoustique. L’orchestre Philharmonique de Vienne sous la baguette de Georges Prêtre se déploie majestueusement lors du concert du Nouvel An de 2010 (Decca). Sur «Die Fledermaus» («La chauve-souris») de Johann Strauss II, on est littéralement emporté par la richesse et la cohérence de cet orchestre unique, jouant à l’unisson, dont la dimension est plus que crédible malgré la taille des DP77. Elles ne descendent pas aux tréfonds de l’extrême grave, mais leur proposition sonore suffit à ne se poser aucune question. Comme au concert, ce n’est pas une précision chirurgicale au scalpel qui s’impose, mais plutôt un paysage sonore réaliste, baigné dans l’acoustique de la salle. La directivité verticale et horizontale est bien contrôlée, le niveau de détail est un régal sur les fines nuances et la différenciation des textures harmoniques médianes supérieures.
3500 euros est le budget à consacrer pour accéder à la transparence suprême et au raffinement que peuvent procurer les DP77 10th Anniversary. C’est une somme et c’est peu à la fois, car quelle enceinte se rapproche à ce point d’une écoute naturelle et sans contrainte, rendue possible uniquement par sa constitution brevetée? Par ailleurs, si vous avez une petite pièce, elles s’y sentiront tout de suite à l’aise pour vous faire profiter de la personnalité Diptyque à un coût accessible. C’est de plus un magnifique objet, construit remarquablement bien, avec amour, en France.
Diptyque Audio a voulu proposer dès le départ avec la DP77 un produit homogène et abordable, doté de tous les gènes des modèles supérieurs. Cette édition spéciale 10e Anniversaire est encore meilleure, plus belle, de la même veine que le reste de la gamme, juste de taille inférieure pour mieux s’intégrer dans les salons plus petits. C’est véritablement une enceinte pour mélomanes, pour qui le naturel des timbres, la transparence des détails bien intégrés et l’image sonore comme au concert sont des critères essentiels. Félicitations à Diptyque pour ce coup de maître en entrée de gamme. Bruno Castelluzzo
Copyright 2021|2025 - Tous droits réservés