Au-dessus d’Edelweiss, il y a Dream, la gamme ultime de Playback Designs. Le boîtier sobre et élégant gris sombre cache bien le jeu de ce DAC exceptionnel. Le créateur Andreas Koch, l’ingénieur Bert Vogt et les équipes de la marque américaine font tous ce même rêve : s’approcher au plus près de la perfection de la lecture numérique, donc de la musique. Le MPD-8 y parvient magistralement. Il fait partie de la série 8 Dream, qui comprend également le transport MPT-8 CD et SACD, lisant ces derniers en natif, complément naturel et idéal du MPD-8. Le MPT-8 peut recevoir la carte Stream-X2, pour en faire un lecteur numérique universel très haut de gamme. La liaison en fibre optique PLink propriétaire à grande vitesse assure une résolution maximale et une lecture en natif des SACD et DSD. Le player MPS-8 et l’amplificateur SPA-8 stéréo sont les autres membres de la famille Dream. Autre solution moins onéreuse, réservée à la seule lecture des fichiers : l’excellent streamer MPS-X de la série 6 Edelweiss, mis en œuvre dans le cadre de cet essai.
La philosophie Dream est la séparation physique totale et l’isolation de chaque fonction du DAC, afin que toute perturbation même minime soit éliminée, car le convertisseur et son étage de sortie analogique associé sont l’un des maillons les plus sensibles de la chaîne de lecture numérique. La moindre modulation de l’horloge de l’échantillon numérique entraîne une gigue qui peut contribuer à ce qu’on décrit souvent comme le « son numérique », très difficile voire impossible à mesurer. Seuls 30 années d’expérience, de multiples prototypes et des écoutes prolongées avec un sens musical aiguisé aident à trouver la bonne voie. Pour contrôler les effets négatifs d’intermodulation entre les deux canaux, le Dream MPD-8 dispose de deux circuits complètement séparés pour chaque canal, où même l’affichage possède sa propre alimentation. De plus, chaque alimentation blindée intègre deux circuits parallèles qui séparent totalement les étages numériques et analogiques, ce dernier utilisant pas moins de 10 régulateurs linéaires à très faible bruit pour chaque canal.
Le traitement numérique démontre ici un savoir-faire unique, où de nouveaux filtres basés sur la fréquence et le temps travaillent de concert pour optimiser les performances pendant les transitoires du signal. Les entrées PCM sont suréchantillonnées par une série d’algorithmes à une fréquence très élevée, puis converties en DSD à une fréquence d’échantillonnage encore plus élevée. Les entrées DSD le sont aussi à cette fréquence intermédiaire. Il s’ensuit un processus numérique exclusif qui suréchantillonne à nouveau le signal jusqu’à environ 50 MHz ! C’est si élevé que la conversion en analogique est radicalement simplifiée, tout en réduisant la distorsion non linéaire commune à la plupart des autres structures. Ici, le DAC est construit autour de composants discrets, sans puces prêtes à l’emploi, avec une séparation stricte entre les circuits sensibles. En outre, un filtre d’apodisation est mis en œuvre pour contrer certains effets secondaires causés par le convertisseur N/A utilisé en studio lors de la production, milieu que connaît bien Andreas Koch, ayant participé à l’élaboration du SACD et du DSD, et mis au point des algorithmes révolutionnaires pour la conversion de la fréquence d’échantillonnage.
L’étage de sortie analogique présente une véritable structure double différentielle, signifiant qu’un canal audio est en fait construit à partir de quatre signaux numériques entièrement différentiels, pilotés par un FPGA dédié à la section analogique uniquement. Le transfert de données vers celui-ci à partir de la carte numérique est également différentiel, sans aucune connexion galvanique à la terre. Le volume analogique de très haute qualité est aussi symétrique, utilisant des résistances d’une précision de 0,1%, associées à des convertisseurs d’impédance à très faible bruit. Il se règle numériquement par paliers très fins, sans compromettre ni le bruit, ni la distorsion. Ultime atout, l’entrée et sortie PlayLink par fibre optique prend en charge nativement tous les formats numériques et toutes les fréquences d’échantillonnage. Le MPD-8 dispose aussi d’une entrée Toslink, S/PDIF, AES/EBU et USB compatible PC, Mac et Linux, pour fichiers PCM jusqu’à 384 kHz et DSD jusqu’à 11,2 MHz.
Le distributeur a bien fait les choses pour nous faire apprécier toute la classe du MPD-8, grâce aux compétences de Jean-François Orth de 1877.audio, basé près de Lyon, qui s’est déplacé à cette occasion. En amont, le streamer MPS-X Edelweiss est relié au DAC par la liaison fibre PLink. Il est connecté à un Innuos ZENith Mk3 qui officie comme Core afin d’utiliser l’interface Roon, partenaire idéal du Playback Designs – l’application bien connue mConnect convient aussi.
Timbres : Après un rodage qui doit être bien effectué (la marque indique 350 à 500 heures), les premières notes font comprendre que l’on rentre dans un univers sonore d’une incroyable complexité, où la précision et le sens du détail ne sont pas des faire-valoir superfétatoires, pour épater, mais contribuent à faire ressentir plus charnellement la musique, intimement plus proche de son essence et de sa vérité. Les voix et les instruments acoustiques n’en sont que mieux révélés, plus authentiques, comme la voix de Lisette Spinnler sur «Silent Dream», tout en beauté, délicatesse et aération, traduisant la mélancolie de l’interprétation. Les cymbales sont d’une légèreté inouïe, aérienne, alors que le grave et l’extrême grave du MPD-8 sont sensationnels, procurant un réalisme dans ce registre unique. Quelle émotion aussi à l’écoute de Glenn Gould sur les Goldberg de 1981. La voix chantonnante est parfaitement localisée, et les attaques montrent une fougue étourdissante, comme sur la variation 14. C’est du grand art, de l’interprétation à sa reproduction. Dynamique : Bien que le MPD-8 soit clairement un des DAC les plus dynamiques qu’il nous ait été donné d’entendre, il ne le martèle pas haut et fort. Les attaques sont foudroyantes et instantanées, mais peuvent survenir au milieu d’un calme tranquille, où le legato se déploie temporellement comme dans la réalité. Aucune opacité ni lenteur pseudo-opulente ne se manifestent, mais une sensation de liberté dynamique totale, comme sur le célèbre «Coal Train» en live de Hugh Masekela, qui se déchaîne pratiquement comme on peut l’entendre sur une lecture de bande magnétique. Le grave prend au plexus par son aplomb imperturbable, tout comme l’énergie immense déployée sans contrainte. Même chose sur le Jazz at the Pawnshop, pourtant rebattu, mais qui prend ici un tout autre éclairage, dont le vibraphone d’une merveilleuse présence, comme la salle si proche et vivante. Le plus troublant est que cette dynamique naturelle n’engendre jamais aucune agressivité, preuve que ce sont bien divers défauts temporels non maîtrisés qui la provoquent. L’expérience d’écoute du MPD-8 est marquante dans une vie de mélomane. Scène sonore : Ce DAC vous subjugue non par des artifices spectaculaires, mais par la présentation réaliste d’un orchestre symphonique, juste grandeur nature (et ce n’est pas une formule). Sur les meilleurs enregistrements et fichiers numériques, notamment les bons DSD natifs, la précision de positionnement des pupitres et leur couleur harmonique sont incomparables, installant un grand orchestre, même à niveau soutenu, de façon magistrale. Dans la Symphonie n° 3 de Saint-Saëns par le Kansas City Symphony (Reference Recordings), l’orgue impose sa majesté et sa taille, où l’extrême grave présent est juste limité par la réponse des enceintes. La pâte sonore de l’orchestre est d’une justesse rare, car chaque nuance est bien exprimée, distincte, au sein d’un tout parfaitement homogène, toutefois sans intellectualisation, car la perception se focalise sur l’expression sensible des ambiances. Le MPD-8 maintient de sa baguette magique l’unité temporelle et spatiale de la musique. Rapport qualité/prix : Les performances sonores du MPD-8 ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une conception extrême et rigoureuse, mûrie pendant des décennies. Les Playback Designs sont aussi connus pour leur architecture extensible, où les mises à jour logicielles peuvent être installées gratuitement par l’utilisateur. L’investissement très conséquent est donc pérenne. Cela ne consolera certes pas ceux qui l’ont écouté et ne pourront pas se l’offrir ! Car cette série Dream se situe à des hauteurs stratosphériques en matière de reproduction musicale, ce qui a malheureusement un prix.
La sophistication technique du MPD-8 s’efface comme par magie : devant l’événement sonore, on oublie tout. Le cerveau se connecte directement à sa zone émotionnelle, les sensations éprouvées rappelant étrangement celles ressenties à l’écoute de la musique vivante. La somme des compétences mises en jeu est considérable, mais le rêve initial se réalise comme par enchantement, prouvant toute l’importance du DAC. C’est la marque des très grands de savoir transcender la technique, pour mieux l’oublier aussitôt, et laisser place à l’essentiel : l’émotion contenue dans la musique. Bruno Castelluzzo
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