L’arrivée d’une nouvelle marque sur le marché audio est toujours réjouissante. Qui plus est quand celle-ci est française ! Découverte à Munich en mai dernier, Vermeer Audio présentait son premier bébé, le modèle Two, un convertisseur préamplificateur universel inspiré de l’électronique Audioaéro LaFontaine.
Basée à Lyon, Vermeer Audio est une société B française qui a vu le jour fin 2014. Elle a repris les droits et le fonds de commerce d’Audioaéro ainsi que les technologies des modèles LaSource et LaFontaine. Ces deux modèles sont les bases de développement de la première gamme Vermeer Audio, respectivement le One (modèle ultime dans les tuyaux) et le Two, objet de ce banc d’essai en exclusivité mondiale.
Créée par des techniciens et des investisseurs aux cheveux blancs passionnés de son et provenant de différents horizons professionnels, Vermeer Audio a vocation à concevoir des préamplificateurs convertisseurs audio numériques et analogiques de très haut de gamme. Pour information, le SAV et la mise à niveau de la plupart des modèles LaSource et LaFontaine produits sous la marque Audioaéro seront assurés avec la possibilité d’être upgradés en Vermeer Audio. L’idée a été de reprendre le meilleur d’Audioaéro et d’améliorer ce qui pouvait l’être. La majeure partie des fournisseurs et des sous-traitants ainsi que les méthodes de fabrication ont été changées. Les appareils sont fabriqués par des intervenants situés dans un rayon de 300 km autour de Lyon, dont la société helvète ABC PCB (circuits imprimés et circuits numériques) et le futur fournisseur des boîtiers, suisse lui aussi.
Le Two est doté de circuits de conversion 32 bits/384 kHz entièrement nouveaux. Ils permettent la lecture de la plupart des fichiers dématérialisés et notamment les fichiers DSD64 selon le process DoP (DSD over PCM) sur les entrées USB B, mais également sur les entrées AES/EBU et S/PDIF (sauf optique). Une version du Two avec liaison réseau LAN est prévue. Les modules d’alimentation ont été retravaillés de manière à augmenter leur performance et leur fiabilité. Notre appareil de test était encore pourvu de l’alimentation à découpage du LaFontaine. Le châssis en aluminium repose sur trois cônes. Il comporte un afficheur central et six touches de commande à impulsions dupliquées par une télécommande. Un menu déroulant permet de configurer certains paramètres dont le niveau de sortie fixe ou variable, rendant dans ce dernier cas inutile un préamplificateur. À l’intérieur, la sérigraphie LaFontaine sur les cartes rappelle leur origine, les modifications Vermeer Audio dont le module de rééchantillonnage systématique des données en 32/384 étant dûment estampillées. Toutes les entrées S/PDIF sont isolées par transformateur. La section analogique de sortie utilise un tube subminiature Thomson 6021 N.O.S par canal en montage cathodique avec condensateur de liaison Mundorf silver-oil. Pas de support pour ces triodes directement soudées sur la carte.
Le modèle testé de présérie est le modèle qui a été exposé et démontré au dernier High End de Munich. Comme l’a indiqué le fabricant, la finition et la technologie vont être légèrement revues sur les modèles définitifs de série, mais l’essentiel est bel et bien présent à 99% sur l’appareil que nous avons écouté. Après une mise en température, nous avons procédé à des écoutes en liaison directe avec notre bloc stéréo puis par l’intermédiaire de notre préamplificateur afin de vérifier la neutralité de l’étage préamplificateur intégré au Two. Bonne nouvelle, l’écoute en direct que nous avons privilégiée s’avère d’un naturel et d’une transparence de tout premier ordre.
La construction et l’esthétique rappellent immanquablement celles des électroniques Audioaéro LaSource et LaFontaine dont s’inspire le Two. À l’extérieur comme à l’intérieur, la réalisation est de très haute qualité. Le châssis en aluminium sera légèrement retouché sur les modèles de série avec notamment la disparition des « vagues » aux extrémités de la face avant afin d’imprimer une nouvelle identité visuelle. La construction des pièces en aluminium sera confiée au fournisseur de Nagra, ni plus, ni moins.
On ne change pas (encore) une technologie qui gagne. Vermeer Audio l’a bien compris en reprenant sur le Two le cœur du LaFontaine auquel il a transplanté quelques améliorations en rapport avec les nouveaux formats actuels. L’appel aux partenaires historiques dont le suisse ABC PCB est un gage supplémentaire de qualité. La présence d’entrées analogiques, d’un réglage de volume et d’un étage buffer en sortie permet d’attaquer directement un bloc de puissance sans le besoin d’un préamplificateur. Une économie substantielle en termes d’encombrement du trajet audio et d’investissement…
Grave : La restitution du Vermeer Audio Two nous a replongé quelques années en arrière lorsque nous avions reçu LaSource. On dit souvent et à juste titre que de savoir conduire un vélo ou de savoir skier est un acte qui ne s’oublie plus une fois assimilé. C’est la même impression que nous avons ressentie en découvrant le message du Two, très délié, très palpable, très aérien, avec un sens rare du legato, comme son aîné. Sur la piste « Gotcha » par Patricia Barber, la contrebasse semble être présente virtuellement devant nous, comme le nez est posé au milieu du visage. Elle paraît légèrement plus volumineuse qu’à l’accoutumée mais la légère emphase ressentie reste sous contrôle. Médium : Utilisé principalement sur ses entrées AES/EBU et USB, le Two a dévoilé une personnalité irrésistiblement séduisante dans cette zone fondamentale de fréquences. La séduction opère grâce aux timbres remarquablement épanouis que distille l’appareil. La voix de Miss Barber n’a que trop rarement été aussi vraie et charnelle qu’elle ne l’est avec le Two, fût-elle restituée à partir du CD original ou même du fichier issu de iTunes ! Le process Vermeer Audio de rééchantillonnage s’avère d’une redoutable efficacité. Aigu : Le rééchantillonnage a très souvent l’effet pervers d’introduire de la clarté artificielle aux messages restitués. C’est plaisant voire étonnant à la première écoute, mais on se lasse vite de cette supercherie sonore. Avec le Two, on reste dans l’étoffé et la douceur jusque dans l’extrême aigu comme au « bon vieux temps » de LaSource. Les percussions et les clochettes sur « Moonlight on Spring River » sont précisément analysées avec un cortège harmonique très limpide. L’électronique lyonnaise joue plus sur le filé que sur le piqué extrême, l’écoute gagne en onctuosité. Dynamique : La faible impédance de sortie du Two et son niveau de sortie variable pouvant atteindre 7 V efficaces s’accommoderont très facilement de n’importe quel amplificateur du marché. Les capacités dynamiques du Vermeer Audio sont tout à fait excellentes. Chaque transitoire est reproduite avec de l’intensité et de l’énergie sans effet de déstabilisation ou de compression. À l’opposé, son très faible niveau de bruit permet au Two de s’immiscer au plus profond de chaque partition pour en extraire les moindres détails, même à bas niveau d’écoute. Attaque de note : La justesse avec laquelle l’appareil reproduit les timbres et la familiarité des sonorités qu’il diffuse sont des conséquences directes de sa réactivité « naturelle ». Le Two ne dénature pas les sons, il prouve ainsi que sa déclinaison harmonique reconstitue à l’identique ou presque ce qui est inscrit dans le support. Même s’il ne paraît pas rapide au sens urgent et donc démonstratif du terme, il semble insuffler à la musique le bon tempo. Scène sonore : Ces « bonnes » notes nous conduisent en toute logique à une scène sonore extrêmement réaliste, où les artistes se sentent bien et au bon endroit, où l’air circule en toute liberté. Sur l’introduction de la piste « Gotcha » enregistrée en public, on visualise le public largement réparti au pied de la (vraie) scène. En quelques secondes, sur ce bruit d’ambiance, la focalisation très précise du Two permet de « visualiser » le point d’émission de chaque son émis. Quand arrive le présentateur, notre regard se dirige instinctivement vers lui. Par pur réflexe, comme dans la réalité. Transparence : Nous n’avons pas testé toutes les possibilités connectiques du Two ni ses performances à partir de fichiers DSD. Néanmoins, ce que nous avons obtenu en liaison numérique traditionnelle (drive et CD, ordinateur et fichier) laisse présager des résultats tout aussi excellents dans ces autres cas de figure. Le petit (et relatif) bémol concernant le registre grave de cet exemplaire de présérie ne sera plus qu’un lointain souvenir quand les améliorations techniques prévues sur le modèle définitif seront intégrées.
Le pari est ambitieux pour ce nouveau fabricant français qui s’installe d’emblée parmi le très haut de gamme mondial. Un créneau qui exige un tarif élevé si on veut être pris au sérieux par la clientèle visée… Avec le Two, Vermeer Audio a vraiment matière à s’imposer d’autant plus que l’électronique dispose d’une connectivité étendue, d’une technologie avancée et d’un préamplificateur de haute qualité.
Il fallait oser reprendre le flambeau d’une marque française passée de la lumière à l’ombre… Vermeer Audio l’a fait et très bien fait avec ce convertisseur préamplificateur Two dont la conception poussée issue du modèle Audioaéro LaFontaine et la musicalité évidente en font déjà un sérieux compétiteur pour la concurrence actuelle très haut de gamme. Coup d’essai, coup de maître.
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